Willermoz : l’enveloppe immatérielle de l’être essentiel dans le « Traité des deux natures »

Jésus IV

« C’est Jésus-Christ lui-même

qui va leur prouver la différence essentielle

de ces deux formes corporelles et leur destination,

en se revêtant de l’une après sa résurrection,

après avoir anéanti l’autre dans le tombeau. »

« Mais à peine le troisième jour est commencé, il ressuscite glorieusement du tombeau par sa propre divine puissance, et commence à se montrer à ceux qui l’ont aimé le plus tendrement, sous une nouvelle forme corporelle, en tout point semblable à celle dans laquelle il avait vécu parmi les hommes, mais glorieuse et impassible, dont il se revêt, et qu’il fait aussi disparaître à son gré. C’est avec cette même forme glorieuse qu’après avoir conversé, marché, mangé pendant quarante jours, leur apparaissant subitement et disparaissant aussi subitement de devant eux quand il lui plaît, après leur avoir demandé de baptiser en son nom, d’enseigner aux hommes le mystère ineffable de la Trinité divine du Père, du Fils et du Saint-Esprit, faisant un seul Dieu, qu’il monte glorieusement au ciel en leur présence, où il sera rendu visible aux anges et aux hommes sanctifiés, dans cette forme humaine glorifiée.

Mais quelle est donc la nature de cette nouvelle forme corporelle, et qu’est-ce qui constitue la différence essentielle de celle-ci sur la première ? demanderont ces hommes charnels et matériels qui ne voient rien que par les yeux de la matière, et ceux qui sont assez malheureux pour nier la spiritualité de leur être, et ceux aussi qui, attachés exclusivement au sens littéral des traditions religieuses, ne veulent voir dans la forme corporelle de l’homme primitif avant sa chute, qu’un corps de matière comme celui dont il est actuellement revêtu, en y reconnaissant seulement une matière épurée. C’est Jésus-Christ lui-même qui va leur prouver la différence essentielle de ces deux formes corporelles et leur destination, en se revêtant de l’une après sa résurrection, après avoir anéanti l’autre dans le tombeau.

résurrection

Jésus homme-Dieu voulant se rendre en tout semblable à l’homme actuel, pour pouvoir lui offrir en lui un modèle qu’il pût imiter en tout, s’est soumis à se revêtir en naissant d’une forme matérielle parfaitement semblable à celle de l’homme puni et dégradé. Elle diffère cependant en ce point unique que la forme matérielle de l’homme conçu dans la concupiscence de la chair est corruptible, au lieu que la forme matérielle de Jésus, conçue par l’unique opération du Saint-Esprit et sans aucune participation des sens matériels, est incorruptible. Mais Jésus-Christ dépose dans le tombeau les éléments de la matière, et ressuscite dans une forme glorieuse qui n’a plus que l’apparence de la matière, qui n’en conserve pas même les principes élémentaires, et qui n’est plus qu’une enveloppe immatérielle de l’être essentiel qui veut manifester son action spirituelle et la rendre visible aux hommes revêtus de la matière.

Si on pouvait encore douter de cette importante vérité, qu’on réfléchisse sérieusement sur les étonnantes apparitions sous formes humaines de l’archange Gabriel à Marie et à Zacharie, père de Jean-Baptiste, sur celles des anges envoyés à Abraham pour lui prédire la naissance d’Isaac et la punition de Sodome, de l’ange conducteur du jeune Tobie, et d’un grand nombre d’autres apparitions semblables des esprits purs, dont la forme corporelle a été réintégrée en eux-mêmes et a disparu aussitôt que leur mission particulière était terminée. Elles prouvent toutes les mêmes vérités. Jésus-Christ ressuscité se revêt de cette forme glorieuse chaque fois qu’il veut manifester sa présence réelle à ses apôtres pour leur faire connaître que c’est de cette même forme, c’est-à-dire d’une forme parfaitement semblable et ayant les mêmes propriétés, dont l’homme était revêtu avant sa prévarication ; et pour leur apprendre qu’il doit aspirer à en être revêtu de nouveau après sa parfaite réconciliation, à la fin des temps.

résurrection II

C’est là en effet cette résurrection glorieuse des corps qui seront en même temps changés pour les hommes réconciliés, ainsi que l’exprime saint Paul, mais qui ne seront pas changés pour les réprouvés. C’est enfin cette résurrection glorieuse dont la manducation réelle du corps et du sang de Jésus-Christ en apporte dans tous ceux qui y participent dignement, le germe fructificateur. »

 Jean-Baptiste Willermoz, Traité des deux natures, Bibliothèque municipale de Lyon, fonds Willermoz, ms. 5940.