80e Anniversaire du «Réveil» du Régime Écossais Rectifié en France (1935-2015)

Phénix Ordre - 2014 DNRF-GDDG I

L’année 2015 est celle d’un anniversaire important, celui du « Réveil » du Régime Écossais Rectifié en France, et la constitution, pour en organiser la vie initiatique et administrer le fonctionnement, du « Grand Directoire des Gaules« .

camille_savoire1   L’occasion nous est donc donnée, de rappeler les raisons d’une telle initiative de la part de Camille Savoire (1869-1951), et de comprendre en quoi, la perspective de mars 1935 demeure à l’identique en 2015, où les mêmes causes qui poussèrent à l’époque Camille Savoire à engager la sortie du Régime du système obédientiel, sont absolument inchangées.

En effet, voyant qu’il était impossible d’établir une pratique authentique du Régime écossais rectifié au sein des formes obédientielles, qui faisaient peser sur lui un cadre et des critères administratifs, politiques et idéologiques qui lui sont étrangers, Camille Savoire, vit qu’en raison de son essence et de sa nature organisationnelle, ce système maçonnique et chevaleresque élaboré au XVIIIe siècle par Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), se devait, pour en respecter l’essence fondatrice, d’être vécu en dehors des structures maçonniques multi-ritualistes andersoniennes, et décidait de ce fait, en mars 1935, avec l’aide du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie (G.P.I.H.)., ultime conservateur à cette date de la transmission, de réveiller complètement le Régime écossais rectifié, en reconstituant, les 20 et 23 mars 1935 à Paris,  le « Grand Directoire des Gaules », qui abritait depuis le Convent des Gaules (1778), les trois Provinces de l’Ordre (IIe d’Auvergne, IIIe d’Occitanie, Ve de Bourgogne).

Mars 1935

Constitution du « Grand Directoire des Gaules »,

lors de la tenue de la Préfecture de Genève, le 23 mars 1935, 

à Neuilly-sur-Seine,

in J. Baylot, Histoire du Rite Écossais Rectifié de France au XXe siècle,

Collection historique, Grande Chancellerie de l’Ordre, 1976, p. 71.

GPIH  Ainsi, le 23 mars 1935 se déroulait à Paris la tenue historique de la Préfecture de Genève, présidée par Ernest Rochat, Grand Prieur du G.P.I.H., qui prenait soin de dénoncer le traité de 1911 signé auparavant avec le Grand Orient de France (G.O.D.F.), et installait la « Préfecture de Neustrie », donnant une Patente officielle à Camille Savoire, en lui octroyant, en tant que Grand Prieur du Grand Directoire des Gaules, toute autorité pour créer en France des établissements du Rite Écossais Rectifié. [1]

Dans son discours historique, Camille Savoire soulignait que le G.O.D.F. s’opposait à la pratique authentique du Régime rectifié et que le Grand Directoire des Gaules formerait donc, pour répondre aux exigences willermoziennes, un Ordre autonome et indépendant, composé de membres « désireux de quitter les Obédiences françaises dont les agissements, étaient en contradiction avec le caractère de la Franc-maçonnerie.» [2]

Une Patente fut délivrée qui stipulait : « Le Grand Prieur d’Helvétie, ès qualités, a expressément reconnu le Grand Directoire des Gaules comme puissance régulière, autonome et indépendante du Régime Rectifié en France, avec les pouvoirs les plus étendus pour créer en ce pays toutes Préfectures, Commanderies, Loges de Saint-André et éventuellement, toutes Loges symboliques du Rite Rectifié sous son Obédience, et a salué en la personne du T. Rév. F. Chev. Bienfaisant de la Cité Sainte, Docteur Camille Savoire, in ordine eques a fortitudine, le premier Grand Prieur, Grand-Maître National.» [3]

Charte Patente - 1935

Charte Constitutive et Lettres Patentes pour le réveil du Régime Écossais Rectifié en France,

sous l’obédience du Grand Directoires des Gaules,

 (Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, 20 et 23 mars1935).

Quatre mois plus tard, après la constitution du Grand Directoire des Gaules, un Traité d’alliance et d’amitié fut conclu avec le Grand Prieuré d’Helvétie, le 5 juillet 1935 à Genève, et le 25 du même mois à Paris, et ce « pour une période indéterminée », les deux puissances maçonniques se reconnaissaient pour « seules et uniques Puissances Souveraines du Régime Écossais Rectifié dans leurs pays respectifs, savoir : le Grand Directoire des Gaules pour la France … et le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie pour toute la Suisse, et n’admettent comme ateliers réguliers du Régime Rectifié que ceux constitués en France par le Grand Directoire des Gaules, et en Suisse que ceux relevant directement du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie.» [4]

Enfin, de sorte de pouvoir travailler le Rite, le 24 octobre 1935 – en vertu des accords conclus entre le Grand Directoire des Gaules et le Grand Prieuré d’Helvétie, reprenant les termes de la Charte-Patente du réveil du Régime du 20 mars 1935, et « considérant qu’il est désirable, dans l’intérêt de l’Ordre Maçonnique en général et du Régime Écossais Rectifié en particulier, de maintenir et de raffermir les relations cordiales et fraternelles qui unissent le Grand Directoire des Gaules et le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie «  [5] -, Camille Savoire, en tant que Grand Maître & Grand Prieur du Grand Directoire des Gaules, créait officiellement la Grande Loge du Régime Rectifié de France, avec comme Grand Maître le F. René Wibaux (1887-1959) [6].

En-tête GLRRF

En-tête historique

de la « Grande Loge du Régime Rectifié de France » (1935).

in J. Baylot, Histoire du Rite Écossais Rectifié de France au XXe siècle, op.cit., p. 98.

La Grande Loge du Régime Rectifié de France ne fut pas, évidemment comme on pouvait s’y attendre, reconnue par les Obédiences maçonniques françaises, et ne signa de ce fait avec elles aucun Traité de reconnaissance. Mais son but était ailleurs, il consistait surtout, à permettre une pratique du Régime en fidélité de ses principes fondateurs, en se dégageant des structures administratives profanes qui, peu à peu, avaient détourné la Franc-maçonnerie rectifiée de sa perspective initiatique et spirituelle.

Ainsi, malgré le rude combat qu’il devait mener pour inscrire dans la réalité le retour sur la scène de l’Histoire le projet willermozien, Camille Savoire, admirable de conviction et de ténacité, persuadé que le  système, arrêté lors du Convent des Gaules en 1778 et entériné en 1782 à Wilhelmsbad, doit et ne peut, de par son originalité organisationnelle, sa conception hiérarchique chevaleresque et sa spécificité initiatique et doctrinale, que vivre en dehors de structures maçonniques qui ne possèdent aucune qualification initiatique au regard du Régime rectifié, parvint à établir, envers et contre tout, ce qui était pour lui sans prix, l’indépendance absolue de l’Ordre.

Camille Savoire resta fidèle à sa vision, et ce jusqu’à la date de sa disparition à Paris, le 5 avril 1951, et laissa le soin à ses successeurs, de poursuivre l’œuvre entreprise.

Il serait trop long de retracer l’histoire des renoncements successifs depuis 80 ans, qui détournèrent malheureusement, peu à peu, le projet de 1935 de ses objectifs.

On retiendra simplement qu’à l’intitulé « Grand Directoire des Gaules », en 1946, une existence légale fut conférée à une dénomination qui avait été, certes, parfois utilisée dès avant-guerre sous sa variante : « Grand Prieuré Indépendant des Gaules », mais qui ne figurait cependant pas dans les termes de la « Charte-constitutive & Lettres-patentes » de mars 1935 délivrée par le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, instance nouvellement créée qui se fit dés lors connaître sous le nom de « Grand Prieuré des Gaules » [7]

GDDG XV

C’est pourquoi, alors que le « Grand Directoire des Gaules » avait été mis en sommeil en septembre 1939, et que l’instance qui lui succéda en 1946 ne cessa, au cours des décennies, de s’éloigner de plus en plus des critères originels de l’Ordre, une décision de « Réveil » a été entreprise le 15 décembre 2012 à Lyon afin de revenir, en fidélité, aux principes tels qu’édictés et stipulés en 1935.

De la sorte, nous croyons nécessaire en cette année 2015, qui correspond au 80ème anniversaire du retour du Régime en France, de saluer et célébrer comme il se doit l’initiative qui eut lieu en mars 1935, tout en rappelant les bases sur lesquelles Camille Savoire souhaita le « Réveil » de l’Ordre, bases qui reposent sur les critères précisés par la « Charte-constitutive » qui présida à la fondation du Grand Directoire des Gaules, soit en substance : « Pratiquer le Rite Écossais Rectifié en conformité des statuts de l’Ordre tel qu’il est encore en usage en Suisse, et notamment de maintenir dans leur intégralité les décisions arrêtées aux divers Convents de Kohlo, en 1772, de Wilhelmsbad, en 1782, et des Gaules, en 1778 ». [8]

Phénix Ordre

C’est donc dans cet « esprit », et de par la fidélité à la conformité des décisions issues de ses Convents historiques, que l’Ordre peut, par la « Refondation » qui vient d’être engagée à Lyon le 15 décembre 2012, de nouveau regarder l’avenir avec espérance, et dignement célébrer l’actuel  80e Anniversaire du « Réveil » du « Phénix Renaissant« , c’est-à-dire, selon l’expression de Jean-Baptiste Willermoz  :

« La renaissance de l’Ordre, ramené à ses lois primitives… »

J.-B. Willermoz, 1809, ms 5922/2 BM de Lyon.

Notes.

1 Assistaient à cette tenue Savoire, Grand Prieur/GM National ; Machon, Grand Chancelier ; Wibaux, Wachmar, Devaux, Corbin, Charrière et Édouard de Ribaucourt.

2. C. Savoire, Pourquoi avons-nous réveillé le Rite Rectifié en France ?», in C. Savoire, Regards sur les Temples de la Franc-maçonnerie, 1935, réédition La Pierre Philosophale, 2015. Savoire nous dit : « Voilà comment nous avons régulièrement réveillé en France le Rite Rectifié : ce réveil ayant été fait en accord et avec le concours de la seule puissance ayant l’autorité suprême du Rite au monde et en conformité des décisions des divers Convents de 1778, 1781, 1808, et 1811, et en exécution de la décision prise en 1828 par le Directoire de la 5° province de Neustrie déléguant à la dernière de ses préfectures, dite de Zurich, ses archives, prérogatives, droits, etc…, avec mission de les conserver jusqu’au jour où le réveil du Rectifié pourrait s’effectuer en France et lui permettrait de s’en dessaisir. »

3. Cf. G.P.I.H., ChartePatente constitutive du Grand Directoire des Gaules, 23 mars 1935.

4. Cf. Traité d’Alliance et d’Amitié entre le Grand Directoire des Gaules et le Grand Prieuré d’Helvétie, 25 juillet 1935.

5. Dans son point 2, le Traité insistait sur le fait que devait être observée une entière fidélité à l’égard des grades, formes, cérémonies, traditions et rituels du Régime : « Les Hauts Grades du Régime Écossais Rectifié consistent dans la Loge de Saint- André et l’Ordre Intérieur (Écuyers-Novices et Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte). Les deux puissances contractantes sont d’accord de conserver les formes, cérémonies, traditions, légendes et instructions des différents grades du Rite. » (Cf. Traité d’Alliance et d’Amitié entre le Grand Directoire des Gaules et le Grand Prieuré d’Helvétie, juillet 1935).

6. Cette Grande Loge, était constituée tout d’abord de quatre Loges symboliques La Morinie, au Touquet ; Les Philadelphes, à Lille ; Les Templiers, à Paris, et les Amis Bienfaisants, à Rouen. Puis quatre autres ateliers furent constitués : Justice et Fraternité, à Calais ; La Tradition Écossaise, à Bordeaux ; Côte d’Azur, à Nice et Tradition, à Paris.

7. Ce nom légalement déposé en 1946, n’existe évidemment pas à la matricule du Convent des Gaules de 1778, puisque l’expression « Gaules » désigne la France en son appellation romaine ancienne (lat. Gallia), englobant les trois Provinces de l’Ordre (IIe Alvernia, IIIe Occitania, Ve Burdundia), mais n’est rattachée à aucun Grand Prieuré portant le nom « des Gaules » (sic), que l’on cherchera en vain à la matricule des trois Provinces françaises, arrêtée au Convent national tenu à Lyon en 1778 – établie lors de la 2e séance du Convent des Gaules, le 27 novembre 1778 (Cf. MS 5.482, BM de Lyon). C’est donc cette instance nouvellement créée, tout au moins sur le plan terminologique in abstracto en 1946, qui, par une « Convention » datée du 13 juin 1958, fut intégrée à la Grande Loge Nationale Française (G.L.N.F.), jusqu’en juin 2000.

8. Cf. G.P.I.H., Charte-Patente constitutive & Lettres-patentes, 23 mars 1935. 

Frise 1

Sceaux GDDG 1935

À l’occasion du 80ème Anniversaire du « Réveil » du Régime Écossais  Rectifié,

à été réédité, accompagné d’une Préface de présentation,

l’ouvrage publié par Camille Savoire en 1935 :

 REGARDS SUR LES TEMPLES DE LA MAçONNERIE

Regards sur les Temples de la Franc-maçonnerie