LE RÉGIME ÉCOSSAIS RECTIFIÉ ET LA NOTION DE « SECRET »

 ban II

« La loi du Silence

et de la discrétion la plus absolue 

est fondamen­tale dans l’Ordre... »

Revenir aux fondements de ce que fut, et doit être, « l’Ordre » selon la conception willermozienne, d’autant après des décennies de pratiques inspirées des formes étrangères au Régime, oblige à un examen attentif de ce que voulut exactement Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824).

Et il se trouve que le fondateur lyonnais avait un projet établi selon une perspective qui plaçait l’Ordre, en renonçant aux prétentions temporelles du Temple, sous les auspices d’une entreprise de nature uniquement spirituelle.

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Dès lors, pour ce qui concerne notre volonté de nous rattacher à l’essence de la Réforme de Lyon engagée au Convent des Gaules en 1778, il convient d’être vigilants – et plus particulièrement dans un siècle qui a fait de la profanation du secret, notamment de par le développement des outils virtuels une attitude permanente – au respect des règles fondatrices de l’Ordre si nous voulons inscrire notre action dans la fidélité et la vérité.

Précisions :

1°) La volonté refondatrice de l’Ordre, de la façon dont elle est exprimée par le Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules, émane de Frères habilités, de par leurs qualifications initiatiques et la transmission dont ils sont dépositaires, à engager une telle initiative. Elle ne relève donc pas d’une « auto-proclamation » surgie d’une quelconque volonté subjective.

2°) La refondation de l’Ordre ne tend pas à se constituer en un énième Grand Prieuré, mais souhaite agir en tant que force spirituelle active en cultivant la plus totale discrétion sur son Ordre Intérieur.

3°) Dans le respect des modalités rectifiées, cette volonté refondatrice, dirigée par l’Ordre Intérieur, dit Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, doit s’effectuer par un travail de retour aux principes du Régime s’exerçant uniquement de l’extérieur sous l’intitulé du cadre prévu à cet effet : Directoire National des Loges Réunies et Rectifiées de France, abrégé en Directoire National Rectifié de France -Grand Directoire des Gaules (D.N.R.F.-G.D.D.G.).

Pourquoi ces exigences ?

Parce que dans la conception de Jean-Baptiste Willermoz, l’Ordre, qui ne porte pas le tire « d’Intérieur » pour rien, relève d’une activité qui se doit d’être secrète afin d’exercer son influence et œuvrer au travail spirituel de « réconciliation » avec le Ciel que chaque Frère se doit d’effectuer, et pour cela rien de ce qui est du monde profane ne doit s’introduire dans l’Ordre, et aucun élément concernant l’activité de l’Ordre ne en conséquence doit être révélé à l’extérieur :

« La loi du Silence et de la discrétion la plus absolue est fondamen­tale dans l’Ordre ; il est défendu à tout Frère en telle dignité qu’il doit ou qu’il soit constitué, de révéler la moindre chose qui concerne notre constitution, ou ce qui se passe dans nos assemblées directe­ment ou indirectement. Ceux qui seront convaincus d’avoir dérogé à cette loi, seront déclarés incapables de posséder aucune dignité ou charge dans l’Ordre... » [1]

initiation

« Le secret est un devoir sacré pour le Maçon… »

L’activité de l’Ordre Intérieur doit donc s’effectuer de manière secrète, et ne point communiquer sur son activité afin de protéger, et conserver ses mystères à l’abri de la confusion et curiosité du siècle.

C’est un principe, celui du « secret », connu de toutes les organisations initiatiques ou religieuses [2], voulu, défini et fixé de façon explicite et insistante en de très nombreux endroits des rituels par les fondateurs du Régime Ecossais Rectifié, et qui plus est, loi impérative du « secret » exigée et contracté par la parole prononcée sous « Serment » dans le cadre de cérémonies solennelles où les déclarations sont effectuées sur le Saint Evangile de Jean, afin de leur conférer un caractère permanent, constant, indéfectible et sacré.

Il ne s’agit donc pas de s’autoriser des libertés qui viendraient ensuite enfreindre les termes impressionnants s’il en est des « serments » contractés, ceci pour différents prétextes subjectifs et fallacieux totalement étrangers aux règles, lois et principes de l’Ordre initiatique dans lequel on a été un jour admis et reçu, et ce quel qu’en soit le Grade, sauf à devenir « parjure » !

D’ailleurs, à la question « qu’est-ce que l’initiation ? », voici ce que Jean-Baptiste Willermoz répondait, et qu’il convient de conserver fermement en mémoire si l’on tient à être fidèle à son état d’initié, et de ne pas redevenir « profane », « homme sans foi, sans honneur et digne du mépris de tous les Frères » [3],  par la violation des termes du « Serment » et l’oubli de la parole donnée :

Voici sa réponse : « Son but est d’éclairer l’homme sur sa nature, sur son origine et sur sa destination. C’est pour cela que le secret le plus inviolable fut la première loi de toutes les initiations ; que les prosélytes étaient sévèrement éprouvés sur leur discrétion ; que sur la moindre faute en ce genre ils étaient irrémissiblement abandonnés. Si vous observez encore qu’au premier pas que le Maçon fait dans l’Ordre Maçonnique, on exige de lui un serment irrévocable devant Dieu, en présence de ses frères, de garder le secret sur les mystères de la Franc-Maçonnerie, de ne rien dire, ni écrire, ni tracer qui puisse les dévoiler, vous en conclurez, que si le secret est un devoir sacré pour le Maçon, il doit être rempli bien plus rigoureusement encore, par ceux qui ont été initiés à des connaissances plus sublimes…. » [3]

______________

Notes.

1. Titre II, Code Général des Règlement de l’Ordre des C.B.C.S., 1778.

2. R. Ambelain, Le Martinisme, Editions Niclaus, 1946, p. 181.

3. Avant que d’être admis dans l’Ordre, celui qui n’est encore qu’un « candidat », en chambre de préparation, promet, en apposant sa signature au bas du document ci-dessous, de respecter l’engagement suivant :

« ENGAGEMENT PRELIMINAIRE »

« Moi, N… N…, soussigné, ayant désiré et demandé d’être reçu dans l’Ordre des Francs-Maçons, et réitérant cette demande, par l’effet de ma propre volonté, dans laquelle je déclare que je persiste et veux persister, je promets et donne ma parole d’honneur de garder inviolablement et toujours le secret sur tout ce que je viens de voir et d’entendre relativement à l’Ordre Maçonnique, et sur tout ce qui pourra m’être encore communiqué à l’avenir, de quelque manière que ce puisse être, soit que ma réception s’accomplisse ou non. En foi de quoi j’ai signé le présent engagement.« 

Les termes de cet engagement, sont ensuite réitérés lors du « Serment » solennel, contracté la main droite posée sur le Prologue de l’Evangile de Jean :

« FORMULE DE L’ENGAGEMENT DES APPRENTIS »

Serment

« ……..Je m’engage sur ma parole d’honneur, devant cette respectable assemblée […] de ne jamais révéler aucun des mystères, secrets et symboles de la Franc-Maçonnerie, de quelque manière que ce puisse être, et de n’en parler à aucun homme que je n’aurai pas reconnu pour un vrai et fidèle maçon […] Si je manque à cet engagement, que je viens de contracter par ma libre volonté et ferme détermination, je consens d’être réputé homme sans foi, sans honneur, et digne du mépris de tous mes frères…. »

(Régime Ecossais Rectifié, Rituel du Grade d’Apprenti, 1802).

4. Jean-Baptiste Willermoz, 1778.