De la Stricte Observance au Régime Écossais Rectifié (Le Convent des Gaules – 1778)

 

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« Avec du zèle et de la persévérance,

ils ont surmonté tous les obstacles,

(…) ils ont eu le bonheur de retrouver les traces précieuses

de l’ancienneté et du but de la Maçonnerie…« 

Le Régime Ecossais Rectifié prit naissance en 1778 à Lyon, lors d’un Convent général de la Stricte Observance, dit « Convent des Gaules ».

Du point de vue historique, si l’on veut comprendre ce que représente, tant dans son originalité que sa finalité, la Réforme de Lyon, il convient de souligner que les décisions qui furent prises lors du Convent des Gaules en 1778, sont véritablement à l’origine du Rite, ou plus exactement du « Régime Ecossais Rectifié », transformant, réformant et, en effet, « rectifiant » en profondeur la Stricte Observance, nouveau Régime, ou système pensé et voulu par Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824).

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Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées de France,

tel qu’il a été approuvé par les Députés des Directoires

au Convent National de Lyon 5778.

On peut donc dire que le Convent des Gaules, qui se déroula de novembre à décembre 1778 à Lyon, dans ses décisions, établissait et constituait un Rite fondé sur quatre grades symboliques, conduisant à un Ordre de Chevalerie, dit « Ordre Intérieur », formé des Ecuyers Novices et des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, Ordre Intérieur auquel était adjoint une classe secrète, dite « non-ostensible », de Chevaliers Profès et Grands Profès [1].

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L’Hôtel-Dieu et le pont de la Guillotière à Lyon, au XVIIIe siècle.

Ainsi était établi un nouveau système absolument original et novateur, extrêmement éloigné, même s’il en conservait plus ou moins le cadre général extérieur, de ce qu’avait été la Stricte Observance, mais également l’ensemble de la franc-maçonnerie, que le Régime nouvellement établi avait l’ambition de réformer et de « rectifier » afin de lui transmettre les bienfaisantes lumières de la doctrine de la réintégration qui éclaire d’une manière unique ce que fut l’homme à son origine, son état actuel et sa destination future, conférant ainsi un caractère absolument original au Régime Ecossais Rectifié, et surtout expliquant sa nature dite « non-apocryphe » [2].

Retour du fils prodigue

La « doctrine de la réintégration »

enseigne d’une manière unique au maçon,

des vérités fondamentales sur ce que fut l’homme à son origine,

son état actuel et sa destination future.

JBW  Les intentions de Willermoz seront clairement affichées lors de ce Convent fondateur : rétablir l’unité de la Maçonnerie sur un fondement initiatique véritable, soit celui de la doctrine de la réintégration, afin de faire cesser la confusion initiatique et revenir au dépôt primitif.

Il l’explique en ces termes dans le préambule du Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées de France de 1778, dont chaque mot possède son importance :

« Quelques Maçons plus zélés qu’éclairés mais trop judicieux pour se nourrir longtemps de chimères, et lassés d’une anarchie dont ils sentaient le vice, firent des efforts pour se soustraire à un joug aussi avilissant. Des Loges entières dans diverses contrées, sentant la nécessité d’un centre commun, dépositaire d’une autorité législative, se réunirent et coopérèrent à la formation de divers grands Orients. C’était déjà de leur part un grand pas vers la lumière ; mais à défaut d’en connaître le vrai point central et le dépôt des lois primitives, elles suppléèrent au régime fondamental par des régimes arbitraires particuliers ou nationaux, par des lois qui ont pu s’y adapter. Elles ont eu le mérite d’opposer un frein à la licence destructive,qui dominait partout, mais ne tenant point à la chaîne générale, elles en ont rompu l’unité en variant les systèmes. [3]»

Ces propos préliminaires ne manquent pas d’intérêt.

Mais ce qui suit est plus encore crucial dans l’explication du projet :

« Des Maçons de diverses contrées de France, convaincus que la prospérité et la stabilité de l’Ordre Maçonnique dépendaient entièrement du rétablissement de cette unité primitive, ne trouvant point chez ceux qui ont voulu se l’approprier, les signes qui doivent la caractériser, et enhardis dans leurs recherches par ce qu’ils avaient appris sur l’ancienneté de l’Ordre des Francs-Maçons, fondé sur la tradition la plus constante, sont enfin parvenus à en découvrir le berceau ; avec du zèle et de la persévérance, ils ont surmonté tous les obstacles, et en participant aux avantages d’une administration sage et éclairée, ils ont eu le bonheur de retrouver les traces précieuses de l’ancienneté et du but de la Maçonnerie. [4]»

On observera que ce projet de réforme émane de France et qu’il s’édifia dans l’antique capitale des Gaules, plaçant sous les auspices de la pensée et de la langue d’un pays au sein duquel l’intérêt pour les idées, notamment philosophiques, était éveillé au plus haut point et, à ce sujet, singulièrement d’ailleurs au XVIIIe, siècle des philosophes par excellence.

Le Régime en conservera une tonalité et un évident climat, qui relèvent de la sensibilité de l’âme française pour la réflexion en particulier dans le domaine des choses de l’esprit. Joseph de Maistre proposera d’ailleurs pour cette raison dans son Mémoire au duc de Brunswick (1781), que les déclarations du Convent prévu à Wilhelmsbad en 1782, soient rédigées en français : « Ce projet doit être en français parce que c’est la langue de l’univers… » [5]

Notes.

1. Georg Kloss résume, dans son Histoire de la Franc-maçonnerie en Franc(1852-1853), en une phrase heureuse l’origine et la nature des deux professions : « Quand Willermoz modifia en 1778 au Convent de Lyon le Rituel de la Stricte Observance, il y ajouta les deux grades théosophiques de Chevalier Profès et Grand Profès, dans lesquels étaient élaborées les idées de Martinez Pasqualis, mais purifiées et anoblies. La pierre de fond en était le Traité de la Réintégration.» (Cf. G. Van Rijnberk, Martines de Pasqually, Sa vie, son œuvre, son ordre, Derain-Raclet, 1938, tome 1er, p. 102).

2. « La Grande Profession conserve en son entier le dépôt de la doctrine de la réintégration, voilà qui la définit philosophiquement. Le Régime ou le Rite écossais rectifié, dans la foulée énigmatique de Martines de Pasqually et sous l’action de Jean-Baptiste Willermoz, a spécifié la science spécifique de la franc-maçonnerie – qui est ‘‘la science de l’homme’’, selon Joseph de Maistre – en la doctrine de la réintégration, commune aux élus cohen, à Louis-Claude de Saint-Martin et aux ordres martinistes dignes de ce nom. » (R. Amadou, MartinismeCIREM, 1997, pp. 37 40).

3. Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées de France, Tel qu’il a été approuvé par les Députés des Directoires au Convent National de Lyon 5778.

4. Ibid. Le texte stipule ensuite : «Représenté par ces Corps préposés à l’administration générale et particulière des différents districts et au maintien et à l’exécution de ses lois ; qu’aucune d’elles ne peut exister régulièrement, que par un consentement exprès des chefs légitimes de l’Ordre, constaté par la patente de constitution, qu’ils lui donnent la charge de se conformer aux lois, statuts et règlements de l’Ordre, sans laquelle tous les actes de la Loge seraient nuls et clandestins, et les rétributions qu’elle exigerait, une véritable concussion ; qu’en vertu de cette constitution, la Loge acquiert à la vérité la faculté et le pouvoir de recevoir légitimement au nom de l’Ordre dans les quatre grades Maçonniques, et de percevoir les rétributions prescrites, mais que le produit de ces rétributions appartient proprement à l’Ordre en général, vu que les Loges n’agissent et ne peuvent agir qu’en vertu des pouvoirs qu’elles en ont reçus. »

5. Ibid.