Camille Savoire (1869-1951), et le réveil du R.E.R. au XXe siècle

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 Camille SavoireEq. a Fortitudine,

joua un rôle essentiel dans le réveil du Régime Rectifié au XXe siècle.

 

Né le 6 juillet 1869. Initié, 23 ans plus tard, le 14 octobre 1892 dans une Loge de la Grande Loge Symbolique Écossaise qui avait été créée en 1880 et qui sera à l’origine de la Grande Loge de France, il quitta cette Grande Loge au bout d’un an, au profit du Grand Orient de France. En 1913 il intègre le Grand Collège des Rites dont il devient Grand Commandeur en 1923 et ce durant 12 ans, jusqu’en 1935.

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Blason du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie

Médecin spécialiste de la tuberculose, Camille Savoire voyageait beaucoup en Europe à l’occasion de congrès médicaux, et en profita pour établir de nombreux contacts avec des maçons étrangers et des liens avec plusieurs Obédiences en Europe. 33e du R.E.A.A., Savoire sera armé Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte le 11 juin 1910 en prenant pour nom d’ordre Eques a Fortitudine. Savoire entra en contact avec le Grand Prieuré d’Helvétie en cherchant à établir des contacts avec les Obédiences étrangères en s’affiliant à une structure amie du Grand Orient mais non ostracisée par son rejet à la référence au Grand Architecte de l’Univers, comme il l’expose lui-même :

« Il me fallait pour cela obtenir l’affiliation à une Obédience qui soit à la fois en relations régulières avec le Grand Orient et les diverses Obédiences mondiales, sans excepter celles qui avaient frappé d’ostracisme le GO, ce qui rendait particulièrement difficile la réalisation de mon projet. Dans ce but, par l’intermédiaire de mon bien cher ami et F. Édouard de Ribaucourt, je m’adressai à son compatriote et ami d’enfance, le regretté F. Quartier-La-Tente [Edouard Quartier-La-Tente (1855-1925), pasteur, professeur de théologie, fut le Grand Maître de la Grande Loge Suisse Alpina de 1900 à 1905, il dirigea le Bureau International des Relations Maçonniques avant de devenir le premier chancelier de l’association Maçonnique Internationale (l’A.M.I.), fondée en 1921], Maçon érudit, fondateur du Bureau International des relations maçonniques. Cet excellent F. nous désigna immédiatement le Grand Prieuré d’Helvétie, dernière Obédience de la plus ancienne Maçonnerie, comprenant dans son Directoire, héritier par voie d’extinctions successives des anciens Directoires français pratiquant le Rite rectifié et agrégés successivement au Grand Orient de France par des traités conclus en 1776, 1781 et finalement en 1811 et 1841, et dont le Grand Prieuré d’Helvétie avait reçu les pouvoirs, archives et l’héritage en 1828, lors de la mise en sommeil du Directoire de Besançon qui les tenait de Strasbourg, et en 1841 pour le Directoire de Neustrie. Ces divers traités, jamais dénoncés, conservaient force et vigueur : Ce fut en vertu de l’un d’eux qu’avec Ribaucourt et Bastard je devins par équivalence avec le 33° grade que je possédais au GO de France Chevalier Bienfaisant de la Cité sainte, grade suprême du Rite Rectifié, sous le nom d’Eques a Fortitudine, avec la devise : « Pro Patria per Scientiam » et, en vertu d’un trait signé entre le Grand Directoire Rectifié et le Suprême Conseil de Suisse, je fus ipso-facto immatriculé en qualité de 33° au livre d’or de ce Suprême Conseil. »

a) Raison du « Réveil » du Régime écossais rectifié

En 1935, Camille Savoire écrivait une sorte de manifeste intitulé « Pourquoi voulons-nous réveiller le Rite Rectifié en France ? »,  dans lequel, évoquant sa fidélité à « l’esprit du christianisme primitif » il avait cette phrase magnifique :

« Je reconnais que c’est lors de mon admission au sein du Rectifié que j’ai trouvé le chemin de l’initiation et compris le caractère initiatique de la Franc-maçonnerie » 

Après bien des épisodes difficiles et complexes  le 23 mars 1935, faisant suite à la requête émanant des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte : Camille Savoire, René Wibaux,Eq. Ad Lucem Quaerendum, et Aimé Machon, Eq. Ab Indulgentia, se déroula à Paris la tenue historique de la Préfecture de Genève, présidée par Ernest Rochat, Eq. A Studio, Grand Prieur du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, Charles Nicole, Eq. A Phoenice resurgente, Grand Chancelier, et Antony Roesgen, Eq. Ab Harmonia, Préfet de Genève. Ernest Rochat, qui prenait soin de dénoncer le traité de 1911 signé avec le Grand Orient de France, installait la Préfecture de Neustrie avec René Wibaux comme Préfet, donnant une Charte-constitutive & Lettres-patentes pour le réveil du Régime Écossais Rectifié en France, sous l’obédience du Grand Directoire des Gaules à Camille Savoire, en lui octroyant, en tant que Grand Maître Grand Prieur du Grand Directoire des Gaules, toute autorité pour créer en France des ateliers du Rite Écossais Rectifié.

Dans son discours Camille Savoire soulignait que le Grand Orient de France s’opposait à la pratique authentique du Rite écossais rectifié et que le Grand Directoire des Gaules (G.D.D.G.), formerait donc, pour répondre aux exigences willermoziennes, un Ordre autonome et indépendant, composé de membres « désireux de quitter les Obédiences françaises dont les agissements, étaient en contradiction avec le caractère de la Franc-maçonnerie. »

b) Constitution du « Grand Directoire des Gaules » en mars 1935

Mars 1935

Fondation du Grand Directoire des Gaules,

lors de la tenue de la Préfecture de Genève,

à Neuilly-sur-Seine, le 23 mars 1935.

C’est ainsi que les 20 et 23 mars 1935, fut constitué, lors d’une tenue de la Préfecture de Genève au temple de l’impasse d’Argenson à Neuilly-sur-Seine, le Grand Directoire des Gaules, acte officialisé par la remise d’une Charte-constitutive & Lettres-patentes pour le réveil du Régime Écossais Rectifié en France, sous l’obédience du Grand Directoire des Gaules.

La Charte-constitutive & Lettres-patentes pour le réveil du Régime Écossais Rectifié en France, sous l’obédience du Grand Directoire des Gaules, stipule :

« Voulant assurer définitivement le réveil en France du Rite Écossais Rectifié, tel qu’il y fut jadis pratiqué (…) après que les requérants eurent pris, tant en leur nom qu’au nom de leurs mandants, l’engagement solennel de pratiquer le Rite Écossais Rectifié en conformité des statuts de l’Ordre tel qu’il est encore en usage en Suisse, et notamment de maintenir dans leur intégralité les décisions arrêtées aux divers Convents de Kohlo, en 1772, de Wilhelmsbad, en 1782, et des Gaules, en 1778, tendant à assurer au Rite Rectifié son uniformité. (…) Le Grand Prieur d’Helvétie, ès qualité, a expressément reconnu le Grand Directoire des Gaules comme puissance régulière, autonome et indépendante du Régime Rectifié en France (…).» (Fait et signé sous les Sceaux du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, du Grand Directoire Écossais Rectifié et de la Préfecture de Genève, à Genève, et à Paris, les 20 et 23 mars 1935).

Camille Savoire expliquait :

« Voilà comment nous avons régulièrement réveillé en France le Rite Rectifié : ce réveil ayant été fait en accord et avec le concours de la seule puissance ayant l’autorité suprême du Rite au monde et en conformité des décisions des divers Convents de 1778, 1781, 1808, et 1811, et en exécution de la décision prise en 1828 par le Directoire de la 5e province de Neustrie déléguant à la dernière de ses préfectures, dite de Zurich, ses archives, prérogatives, droits, etc…, avec mission de les conserver jusqu’au jour où le réveil du Rectifié pourrait s’effectuer en France et lui permettrait de s’en dessaisir. »

c) Mise en sommeil du « Grand Directoire des Gaules » en septembre 1939

Expo antimaçonnique

Exposition antimaçonnique. Paris, Petit Palais, 1940. 

Camille Savoire, souhaitant protéger et préserver l’existence du Grand Directoire des Gaules et celle de ses membres, le jour de la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, mettait officiellement l’Ordre en sommeil, et ne maintenait l’existence des activités initiatiques que de manière très discrète, réunissant à son logis quelques proches et fidèles, afin que perdurent les lumières de l’Ordre.

La prudence fut la ligne directrice de Savoire « anticipant prudemment les retombées de la politique antimaçonnique de Vichy (…) » Et pour éviter les persécutions et perquisitions, les archives de l’Ordre ayant été transférées à son domicile après la fermeture du Temple de Neuilly, lors de l’armistice du 22 juin 1940, Savoire écrivit aux autorités « pour signifier la dissolution du Grand Directoire des Gaules en insistant sur son total apolitisme et sur le fait que tout en étant une organisation maçonnique, il s’agissait d’une institution chrétienne ne menaçant pas l’ordre public. »

Cela n’empêcha pas la police allemande de venir perquisitionner à six reprises l’appartement du Grand Maître National du Grand Directoire des Gaules, et ce ne fut que grâce au dévouement exemplaire de sa gouvernante que la plus grande partie des archives put être, providentiellement, mise à l’abri et sauvegardée

d) Déclaration en 1946 d’une obédience nouvelle (Le « Grand Prieuré des Gaules »), inexistante de la Charte-constitutive de 1935

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Nanterre avant-guerre

Mais si immédiatement après la fin de la guerre, le 15 décembre 1946, il déclarait réveillé le Grand Directoire des Gaules, il le faisait en le déclarant en Préfecture de Nanterre (Haut-de-Seine) sous la dénomination fautive, créée in abstracto, de «Grand Prieuré des Gaules » (G.P.D.G.), dénomination qui n’avait jamais été utilisée lors du réveil du Régime rectifié en 1935 comme il est aisé de le constater à la lecture de la Charte-constitutive & Lettres-patentes, mais qui cependant fut désormais celle dont on fit usage, entraînant une éclipse totale de la dénomination historique qui avait été pourtant conférée à l’instance du « Réveil » du Régime écossais rectifié en France, celle de « Grand Directoire des Gaules« , qui allait disparaître de tous les documents officiels et de la scène maçonnique française pendant de longues décennies, jusqu’à son « réveil » le 15 décembre 2012 à Lyon.

e) Retour à l’Orient éternel en 1951

Camille Savoire, rejoignit l’Orient éternel le 5 avril 1951, dans des dispositions d’esprit manifestant une grande ouverture vers les réalités transcendantes.

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Eglise-presbytère de Bains-sur-Oust

On a d’ailleurs retrouvé, dans les archives de la famille Savoire, une correspondance entre Camille Savoire et le Père abbé Clément Guilloux qui demeurait au presbytère de Bains sur Oust dans le Canton de Redon en Bretagne, allant du 18 juin 1938 au 4 septembre 1945.

Dans une lettre du 16 avril 1942, l’abbé Guilloux écrit à Savoire  : « Après votre Maman qui fut une sainte si délicieusement aimante et équilibré, après votre Marc (le fils de Camille Savoire disparu) si raisonnable et si ferme dans ses espoirs et ses certitudes, vous éprouverez, vous aussi, comme saint Augustin : ‘‘Seigneur vous nous avez fait pour vous et notre âme n’est pas en repos tant qu’elle ne vous a pas trouvé’’.  Quand le saint curé d’Ars trouvait autrefois des âmes qui en étaient à votre stade et qui voulaient encore discuter, il leur disait de sa voix douce et irrésistible : mettez-vous à genoux et confessez-vous. Le patient se laissait faire et‘‘l’opération’’ finie, le curé condescendant (ou peut-être malicieux) lâchait : et maintenant, voyons donc ces objections. A quoi l’autre répondait : ‘‘mais je n’en ai plus’’. »

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‘‘Seigneur vous nous avez fait pour vous,

et notre âme n’est pas en repos tant qu’elle ne vous a pas trouvé.’’

Saint Augustin, cité par l’abbé Clément Guilloux 

dans une lettre à Camille Savoire (16 avril 1942).

Sources :

 – D. Daffos et P. Hillion, De l’originalité de la pensée de Camille Savoire, Actes du Colloque SFERE du 14 avril 2007 – Palais du Luxembourg, n.d.,  p. 51.

– J.-M. Vivenza, Histoire du Grand Prieuré des Gaules, Le Régime Écossais Rectifié des origines à nos jours, Editions du Simorgh, 2011.

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